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Portraits d’ici, cuisine d’ailleurs #1 : Ergun et Suleyman

28 février 2019

Dans la rue cosmopolite de Château d’eau se trouve Anatolia Village, un restaurant spécialisé dans les grillades d’inspiration kurdes, tenu par Ergun et Suleyman. C’est une adresse coup de coeur que je vous livre ici, elle démarre la série d’articles à venir de ce printemps. « Portraits d’ici, cuisine d’ailleurs » est une série qui met en valeur des parcours de vie de migrants, mêlant intimité, culture, transmission et cuisine. 

restaurant anatolia village

© Chloé Vasselin

Portraits d’ici : Suleyman et Ergun

Ils sont associés dans la vie comme au travail. Cousins germains par leurs mères et désormais propriétaire et gérant d’Anatolia Village, Suleyman (à gauche) et Ergun (à droite) sont le duo de charme de cette cantine de quartier.

portaits-anatolia-village

© Magali Perruchini

Dix huit ans déjà que Suleyman, travaille en cuisine. Pourtant rien ne prédisposait Suleyman à devenir chef cuisinier. Originaire d’un village du sud de la Turquie, il a grandi entouré de chevaux. Dans la famille de Suleyman, on travaille le cuir depuis 5 générations : « Mon père était sellier-harnacheur, je l’ai toujours regardé faire. Désormais, pour me faire plaisir et me reconnecter à cela, je fabrique des sacs en cuir que je vends sur Etsy. » A l’âge de 15 ans, Suleyman a troqué sa campagne natale pour l’effervescence de la ville touristique d’Antalya. « Un ami de mon village m’a dit : viens je t’emmène à la ville ! On a pris le bus et c’était la grande découverte. Là, j’ai démarré comme plongeur, puis j’ai appris à travailler le pain, les rudiments de la pâtisserie et j’ai même été serveur. Un jour, le gars qui faisait les grillades dans le restaurant où je bossais a proposé de m’apprendre, en échange je lui ai appris la pâtisserie et quelques subtilités de la boulangerie. Grâce à toutes ces rencontres, je suis devenu polyvalent. » A l’aube des années 2000,  Suleyman arrive à Paris, il travaille alors comme chef cuisinier dans quatre établissements avant de devenir patron d’Anatolia village : restaurant de quartier et repaire de nombreux fidèles.

On ne sait jamais où la vie nous mène mais il faut avoir confiance en elle.

Ergun, sensible et attentionné, économiste de formation et danseur folklorique professionnel, a suivi sa dulcinée pour venir à Paris en 2013. « J’ai rencontré ma compagne en Turquie. Elle était venue pour des vacances et elle m’a ramené dans ses valises. Mon français n’était pas assez correct pour trouver un travail en tant qu’économiste alors il a fallu trouver autre chose. J’ai été danseur  professionnel dans une autre vie et ça me manque d’être sur scène. D’avoir un public, entendre et recevoir l’énergie de la musique, des applaudissements, porter les costumes, etc. J’ai essayé de danser ici, en région parisienne, mais le niveau était trop amateur et j’ai abandonné. Finalement, quand on quitte son pays, ce qu’il faut, c’est savoir s’adapter, sinon t’es foutu. Je n’avais jamais imaginé que je serai un jour en cuisine. On ne sait jamais où on va, où la vie nous mène mais il faut avoir confiance en elle. » Le beau-père d’Ergun tenant un kebab rue St Maur depuis des décennies, Ergun s’est essayé à la restauration quelque temps avant de poursuivre l’aventure avec son cousin. Il a eu un véritable coup de foudre pour Paris et avoue être en osmose avec cette ville. « Paris est vibrante, il y a toujours du monde dans les rues à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Il y en a que cela épuise, moi, ça me donne dynamise ! « 

Cuisine d’ailleurs… 

Ergun et Suleyman sont tous les deux originaires d’un village au sud-est de l’Anatolie, près de Gaziantep. Cette ville – encore appelée Antep pour certains – est réputée, à travers toute la Turquie, pour sa tradition culinaire séculaire. Suleyman est fier de me raconter que « cette ville recense plus de 260 plats officiels et qu’elle s’est portée candidate à l’Unesco pour devenir la huitième ville de la gastronomie mondiale. Les habitants de Gaziantep et de la région ont tous un goût prononcé pour la cuisine. Nos palais, nos nez, nos gestes sont développés depuis des centaines d’années pour honorer cette gastronomie ! »

On parle, on rigole, on échange derrière les fourneaux.
On connait tout le monde et c’est pour cela que vous revenez !

pide anatolia village

© Magali Perruchini

Chez Anatolia Village, l’hospitalité est dans l’ADN et l’amour se transmet par la cuisine. Si les populaires lahmacun ouvrent généralement le bal, ce sont les grillades qui mènent la danse. Ici, on sert une cuisine turco-kurde généreuse et conviviale, à l’image de ses compatriotes.

La popote est faite avec attention et le choix des produits est savamment réalisé. Le nombre d’habitués et l’ambiance comme à la maison font d’Anatolia Village une valeur sûre. On est ici à la bonne franquette : « Tu veux quelque chose à boire Chloé ? Tiens, sers toi ce que tu veux dans le frigo! » En salle, le service est réalisé par une jeune fille russo-moldave, toujours souriante et avenante.

« J’aime choisir les morceaux de viande qui vont ensuite être marinés par mes soins. »

L’Etûr – sandwich fait maison avec galette de pain et crudités – est très apprécié par les fêtards-zicos du quartier. Si on le souhaite, une soupe de lentilles bien citronnée est offerte en guise d’entrée, je vous la conseille vivement ! D’après les clients présents ce jour, « les saveurs sont comme là-bas ». Une jeune femme a même précisé que « la viande est bien meilleure qu’en Turquie ! » Suleyman sait choisir les morceaux les plus tendres chez le boucher et apprécie les mariner avec de bons produits. Cuites au charbon de bois, sur des pics eux aussi venant de Gazianthep, les grillades sont excellentes et mon coup de coeur va pour celle à l’agneau, agrémentée d’aubergines et de yaourt à l’ail.

brochettes agneau aubergines à l'ail

©Chloé Vasselin

En fin de semaine, le vendredi et samedi seulement, place à la dorade grillée ! Mieux vaut arriver tôt pour être sûr d’en avoir. Accompagnez cela d’une salade et d’un peu de blé  et vous serez comblés.

© Magali Perruchini

Côté dessert nous ne sommes pas en reste car Suleyman – fin gourmet – est le roi du Kûnefe. Ce dessert, qui rivalise avec les célèbres baklavas, se compose de cheveux d’ange imbibés de fromage, de beurre et de pistaches. C’est croustillant et succulent !

kunefe-anatolia-village

© Magali Perruchini

Découvert par hasard, vous l’aurez compris, Anatolia Village est une petite perle à conseiller à tout ceux qui aiment les cantines de quartier et qui ignorent encore la diversité de la cuisine Anatolienne.


Anatolia Village
74 rue du Chateau d’eau 75010 Paris
Métro : Château-d’eau


Le plus ? Les petites tables basses dehors sont idéales pour déguster un ayran ou partager un thé en fin de repas.
Le moins ? Je cherche encore 🙂


Note : Merci à Magali Perruchini, du blog les mains baladeuses, d’avoir pris les photos de cette escapade culinaire.

2 Commentaires

  • Reply Eva 1 avril 2023 at 22:11

    Je parcours le blog en recherche de bonnes adresses pour un séjour de 2 nuits à Paris et cela donne plein d’inspiration.
    Et quelques coïncidences : Süleyman ne serait-il pas parti travailler à Brest? (Ou alors, son sosie tient un restaurant de grillades et cuisine anatolienne, The Meds, à Brest – pas du tout un boui boui mais une très bonne adresse pour qui cherche des spécialités turques en Finistère !)

    • Reply Chloé 3 avril 2023 at 09:48

      Coucou Eva,
      Si tu es en recherche de bonnes adresses, je t’invite à te procurer mon « Guide du Paris boui-boui », il en est truffé!
      Et oui, je te confirme que Süleyman est bien celui qui s’est installé avec sa petite famille à Brest, pour régaler de ses grillades et kunefé ce bout de Bretagne 😉

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