Intriguée par l’ardoise légèrement de travers indiquant un plat encore inconnu de mes papilles curieuses, j’ouvre la porte de la jolie devanture bleue. Derrière les vitres quelques peu embuées, une salle colorée à la lumière tamisée : nous sommes chez Kootchi, dans le 5ème arrondissement, l’un des trop rares restaurants Afghan de Paris.
Il est midi et quart, Farad, le taulier de Kootchi attend patiemment les habitués du déjeuner devant sa cuisine minuscule. Originaire de Kaboul, Farad est arrivé en France à la fin des années 80. Economiste de formation, il est devenu restaurateur et ambassadeur culinaire de son pays natal. A quelques encablures de l’Institut du Monde Arabe et de l’université de Jussieu, ce restaurant fait le bonheur des étudiants fauchés et des professeurs esthètes – gourmands de bonnes choses -, ainsi que des touristes intrigués.
J’ai rejoint mon frère qui avait déjà une affaire ici.
Grâce à son aide, je me suis lancé dans la restauration.
Tentures colorées, lampes en peaux de bêtes et toutes sortes d’instruments à cordes nous plongent d’entrée ailleurs. Les costumes traditionnels accrochés aux murs, les tapis représentant musiciens en turbans puis enfin la musique folklorique qui enveloppe délicieusement le lieu finissent de nous transporter dans une tente nomade d’Afghanistan : nous ne sommes plus dans le 5ème arrondissement de Paris, mais déjà bien loin !
Le midi c’est prix minis
Dépaysée, je me laisse tenter par le menu complet du jour (entrée, plat, dessert) au prix alléchant de 11,50 euros. Un bouillon très fin en entrée avec quelques légumes croquants. En plat : des aushak, succulents raviolis aux poireaux et viande nappés de yaourt et herbes fraîches. Pour finir un ferni, c’est une sorte de mouhallabieh liquide à la cardamome et pistaches pilées. A la table d’à côté, on déguste des bourani bandjan, des aubergines grillées avec une sauce au yaourt qui semblent excellentes.
Les assiettes vibrent de couleurs : le riz est parsemé de raisins secs, carottes effilées, copeaux d’amandes et quelques pistaches.
Farad raconte : « dans la cuisine afghane la couleur d’un plat a tout autant d’importance que son goût ! C’est pourquoi le riz se colore de safran ou s’orne d’amandes et de pistaches. Les mets, subtilement épicés sans être relevés, s’accompagnent de thé à la cardamome ou de « dough », une boisson rafraîchissante au lait fermenté qui est la boisson nationale iranienne et qui rappelle un peu le lassi indien.
L’Afghanistan a toujours été le point de convergence d’importantes routes commerciales entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie. Passage incontournable de la Route de le soie, sa culture est influencée par divers pays voisins – parfois-lointains- et sa cuisine s’en trouve très riche et variée.
Dans les assiettes, on retrouve les lentilles, le safran et le garam masala Indien mais aussi les herbes fraîches et la cuisson du riz à l’iranienne. Malgré ses influences, la cuisine afghane a son propre caractère. « Le climat des montagnes afghanes se reflète dans des plats » consistants où le riz et les légumineuses sont les rois de la table et le yaourt une excellente garniture.
Que ce soit le midi pour un menu bon marché ou le soir pour une immersion plus riche encore, je vous invite à tester la cuisine afghane de chez Kootchi. Cette cuisine, méconnue en France, qui se prépare lentement, en prenant le temps, à la fois subtile, épicée et peu relevée, mérite vraiment la découverte et le coup de fourchette !
Kootchi
40 rue du Cardinal Lemoine
75005 Paris
Métro : Cardinal Lemoine (L10) ou Jussieu (L7)
Le plus ? La mini-terrasse à squatter aux beaux jours.
Le moins ? Certains plats, nécessitant une préparation longue, sont réchauffés au micro-onde pour pouvoir les déguster même à la pause chronométrée du déjeuner.
Quand ? Du lundi au samedi, de 11h à 15h puis de 19h à 22h30.
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